Chevalier D'Artagnan Responsable référencement ۞ Darty, le contrat de confiance | Sujet: Les Archives d'Autres Vies Mar 10 Juin - 22:18 | |
| ♕ Story book ♕
Université de Californie, lundi 8 août 2011
Les choses arrivent parfois sans qu'on en ait conscience... ou alors un matin on se réveille et on sent que quelque chose de nouveau flotte dans l'air, quelque chose d'indéfinissable mais qui est bien là. Les plus intuitifs savent quant à eux de quoi il retourne mais quoiqu'il en soit, qu' on en ait conscience ou pas, ce qui est certain c'est que rien ne sera plus jamais comme avant ... jamais.
On ne savait comment c'était arrivé. Le laboratoire était verrouillé de l'intérieur. Le professeur Stanzas n'était plus là quand la sécurité de l'Holographic Journey Inc avait forcé la porte en cette soirée du lundi 8 août 2011 suite à un grand remue ménage entendu dans les locaux où le scientifique menait des expériences à des heures tardives. Rien n'avait bougé ou disparu hormis le brillant scientifique. Evaporé, volatilisé ? Non, aucun signe de surchauffe des générateurs de particules, ni de la chambre de fission moléculaire. Les assistants avaient bien vérifié que tout était en ordre et fonctionnel. Alors, enlevé, assassiné, enfui ? Pas plus qu'atomisé, fallut-il admettre au bout de quelques jours. Aucune revendication pour une rançon, ni d'un groupe terroriste ou extrémiste se vantant de détenir le savant convoité. Pas de trace de sang, ni de lutte, pas plus de signe de fugue. Il avait tout laissé en plan et ses papiers étaient encore dans le tiroir de son bureau.
La disparition de Radu Stanzas resterait dans les mystères inexpliqués pour la police. Pas de famille pour le regretter, peu d'amis en vérité. Il avait consacré sa vie aux études puis à la recherche. Sa famille, il l'avait perdue dans les soubresauts de l'histoire, un des multiples conflits qui avaient émaillé les états baltes à la fin du XXième siècle. Les amis, il doutait qu'on puisse en avoir de sincères. Des relations de travail tout au plus. Très vite parvenu au sommet dans sa spécialité et mondialement renommé pour avoir dépoussiéré la théorie de la relativité et les thèses avancées dans le domaine de la physique quantique, de la théorie des cordes, il n'avait pas manqué de relations de travail, non.
Le défilé incessant des étudiants escortés par les directeurs des unités de recherche scientifiques universitaires qui traversait chaque jour son laboratoire, les collègues piétinant devant son paillasson pour avoir "avis" sur leur dernière découverte en date l'avaient lassé. Il était devenu irritable au seuil de la trentaine. Pas de vie sociale, pas même un poisson rouge pour partager son petit déjeuner. Il y a un moment où on se retourne et où l'on prend conscience que le chemin parcouru l'a été de façon bien solitaire.
Quelques semaines auparavant ...
Radu en était là alors qu'il traversait la rue ce matin là. Perdu dans ses conjectures sur l'inanité de sa vie, il n'avait pas vu déboucher la grosse voiture suédoise au pare-choc impressionnant. L'une des meilleures en matière de sécurité des passagers, l'une des meilleures aussi pour flinguer les piétons. Il fit un vol plané de dix mètres et alla atterrir sur la pelouse devant le perron du foyer des étudiants. Merde, il était trop vieux pour intégrer le groupe kapa.
Karla Remkart était sur la plus haute marche de l'escalier quand elle vit le beau brun s'envoler et atterrir pour ainsi dire à ses pieds. Enfin, si on peut dire. Elle avait dû se coucher trop tard ou abuser de la téquila la veille au soir parce qu'elle vit bien l'homme s'élever dans les airs et retomber, mais pas le trajet entre les deux points. On lui avait appris que le plus court chemin d'un point à un autre était la ligne droite, sur les bancs de la primaire mais même s'il ne décrivit pas la parabole évidente et logique de tout corps enseignant heurté par une voiture du nord, il ne fit pas non plus un parcours rectiligne. Il monta, monta. Karla laissa tomber ses livres de philosophie dans lesquels elle cachait tant bien que mal des playgirl. Pour le coup, il n'y avait plus rien à mater dans l'air. Le type était... Comment dire ? Absent ? Disparu ? On était loin du triangle des Bermudes pourtant et il n'avait rien d'un avion bombardier même s'il était canon.
Comment se rendre intéressante en étant témoin de ça ? Un peu de piment, d'accord mais il fallait rester crédible. Elle ne pourrait jamais raconter à ses amis qu'elle avait vu le prof du labo d'en face jouer au hollandais volant. Alors qu'elle essayait de réfléchir à ce qui venait de se dérouler sous ses yeux et se perdait dans ses projections possibles du ragot, il réapparut et, "paf", s'écrasa sur le sol menton en avant. Elle grimaça et rentra les épaules au bruit sourd sur l'herbe verte. Cela aurait pu être pire... Un bord de trottoir. Le fait était qu'il n'était pas réapparu exactement où il avait disparu. Karla scrutait le ciel d'un air circonspect comme si elle cherchait un trou dans un tissu bleu azur. Donc il était réapparu drôlement en avant du moment de sa disparition, se disait la fille aux cheveux blonds, pas du tout à l'endroit où il aurait dû. Ce constat fait par la jolie fille résumait tout dans un syncrétisme qui liait le "en avant" du lieu et le moment. Elle venait d'effleurer du bout de sa conscience l'essence de la nouvelle vie de Radu Stanzas mais c'était vraiment bizarre, trop bizarre pour qu'elle en parle même au club des filles nécromanciennes.
Grâce à l'inexplicable "bond" qu'il avait fait, il n'eut qu'un traumatisme cervical et une fracture de la clavicule. Le conducteur de la voiture, pale comme un linge, était persuadé de l'avoir expédié ad patres, il l'avait juste envoyé per tempus. Quelques jours après, Radu reprenait le chemin de son laboratoire après un court séjour à l'hôpital. Il reprit ses travaux et s'y plongea plus que jamais avec une ardeur inégalée et refusa dès lors de répondre aux questions curieuses des collègues sur sa santé ou la nature de ses recherches en cours. Il faut dire qu'il leur arrivait de le croiser dans les couloirs du centre de recherche dans un état physique assez pitoyable. Il commença à porter des lunettes pour cacher les hématomes. Plusieurs fois on le vit plâtré ou consultant aux urgences.
Etait-il victime de harcèlement ? Un grand gaillard comme lui ? S'il avait la tête dans les sciences, il n'avait rien d'un avorton qu'on impressionne facilement. Alors ? Comment expliquer son état parfois étrange ? Avait-il de mauvaises fréquentations ? Certainement pas, il ne sortait pratiquement plus de son fichu labo. D'ailleurs, il était devenu proprement infréquentable. Irascible c'était le mot. Il gratifiait ses confrères de propos acerbes et agressifs sitôt qu'ils essayaient d'engager un début de conversation. Le vide se fit par un phénomène qui n'avait rien de la physique astronomique. Aussi lorsqu'il disparut, on supputa au début que ceux qui le maltraitaient avaient fini par aller trop loin et avaient fait disparaître le corps. Qu'on ne le retrouvât pas, n'était, après tout pas si étonnant en une époque où on pouvait couler des corps dans les piliers fondateurs d'un immeuble. Cela s'était déjà vu. L'affaire fut classée, non élucidée. Les scellés du laboratoire allaient bientôt être levés puisque de scène de crime, il n'y avait pas.
Le soir des "faits"
Milos Alba faisait sa ronde comme toutes les nuits quand une lumière bleue éclaira le couloir à la hauteur de la porte 223 B. Il soupira. Accès réglementé même pour la sécurité depuis la disparition de l'autre illuminé. Il composa nerveusement le numéro du patron de la société implantée dans ces locaux universitaires depuis deux ans. Il constata, de plus en plus nerveux que le portable ne prenait pas le réseau. La poisse. Alors que le relais était sur le toit de l'immeuble d'en face, à n'y rien comprendre ! Il nota avec une inquiétude grandissante que la lumière bleue croissait comme si une armée de soudeurs s'activait à l'intérieur du labo. La porte était sécurisée par une ouverture à carte magnétique qu'il n'avait pas mais elle comportait une vitre blindée. Il se demandait s'il devait se risquer à aller regarder ce qui se passait la dedans lorsqu'il perçut comme un souffle qui poussait derrière la porte. Plus question de tergiverser. Il courut au poste de garde extérieur, ce qui, étant donné la distance, lui demanda une bonne dizaine de minutes. Une fois qu'il y fut parvenu, il hurla au vigile d'appeler le patron. L'autre s'exécuta sans attendre, mesurant à sa mine déconfite que ça bardait. D'ailleurs, même de l'extérieur, on voyait comme des vagues de lumière bleue qui déferlaient derrière les stores du laboratoire.
Le patron n'était pas joignable mais le chef du département de recherche, Joss Hakelberg, arriva tout essoufflé cinq minutes plus tard. Il habitait à deux pâtés de maisons. Ils décidèrent qu'ils ne seraient pas trop de trois pour aller voir de quoi il retournait mais devant la porte, il leur parut évident qu'ils n'entreraient pas sans équipement anti radiations dans ce bazar en réaction. L'accélérateur de particules avait du se mettre en route par ils ne savaient quel mystère ou alors ce pouvait être la chambre de fission, encore plus grave. Peut-être une attaque du système informatique pourtant high-tech ? Dument engoncés dans leurs scaphandres blancs, ils jetèrent un oeil par la vitre mais ne virent pas grand chose, aveuglés par la lumière qui irradiait toujours par vagues bleutées. Le chef passa sa carte dans le lecteur et la première porte s'ouvrit. Ils s'avancèrent dans le sas et la deuxième porte s'ouvrit sagement après que la première fut refermée. La lumière disparut instantanément, plongeant le laboratoire dans la pénombre. Hakelberg tâtonna pour trouver l'interrupteur mais lorsqu'il l'actionna, rien ne se passa. Milos braqua sa lampe torche devant eux parce qu'il avait perçu un mouvement dans l'ombre. Des silhouettes avançaient lentement, comme hébétées, mais s'approchant inexorablement d'eux, surgissant de toutes parts. " Qu'est ce que c'est que ce bordel ? " s'écria la sentinelle. Une des ombres, plus grande, leur parut vaguement familière. Elle avançait toujours, dans une sorte de vague fluide et transparente comme de l'eau qui tremblait.
- Professeur Stanzas ? C'est ... c'est bien vous ? Murmura Hakelberg terrifié.
Aucune réponse ne leur parvint, alors que le groupe de silhouettes continuait à progresser. La plupart semblaient jeter des regards inquiets autour d'elles comme si elles étaient désorientées. Seule la grande silhouette étrangement calme les fixait en mettant un pied devant l'autre. Lorsqu'elle fut à portée de main, ils virent le regard pulsant une lumière bleutée qui les fixait. Ils reculèrent instinctivement dans le sas et le chef du département passa la carte d'un geste affolé dans la fente du lecteur. La porte s'ouvrit dans leur dos mais celle du labo ne s'était pas refermée. Une grande main de glace la retenait à présent. La vague d'air tremblant s'avança au devant de cet individu qui semblait guider les autres et atteignit bientôt les trois hommes qui disparurent aussitôt sans un bruit. La longue cohorte sortit calmement du laboratoire et arpenta le couloir. Elle semblait devoir ne jamais finir, comme si elle était drainée par la grande silhouette. Dehors, deux voitures de la police du campus attendaient, tous gyrophares allumés. Le shérif prononça haut et fort la formule de sommation. Son adjoint se demandait s'il n'était pas victime d'hallucinations à cause d'une intoxication alimentaire. Le chili con carne de Rosa, chez qui ils avaient pris leur repas du soir, ne devait pas être frais.
- Qu'est ce que c'est que ce carnaval ? Allez, tous à terre, on vous embarque pour intrusion dans des locaux privés, bande de rigolos! Hurla le représentant des forces de l'ordre du comté.
Ils exagéraient ces étudiants, avec leurs blagues de potache. Carnaval en plein mois d'aout. Un pirate qui se prenait pour Johnny Depp, un autre qui semblait tout droit sorti des mystères de Paris avec sa redingote, et l'autre avec son pagne, sa perruque noire et ses yeux maquillées comme une danseuse du ventre, il se prenait pour Toutankhamon ? Et le type en guenilles avec des sabots ? Et quoi encore ? Ils avaient voulu se faire peur en entrant sur le lieu d'une enquête criminelle, un lieu plein de bidules dangereux en plus. Avec le savant tordu qui y travaillait, qui pouvait savoir, les engins qu'il avait trafiqués là bas dedans ? Il prit conscience beaucoup trop tard que le grand type à cheveux longs ressemblait drôlement au prof immigré qui avait disparu, précisément, même si ses cheveux avaient blanchi et raccourci singulièrement. Il prit conscience bien trop tard qu'ils avaient tous continué à avancer. L'autre lui toucha l'épaule et il disparut, arme et étoile comprise. L'adjoint et les deux patrouilleurs de l'autre voiture se firent englober par la vague et disparurent également. Ils continuaient à refluer du labo, en une troupe hallucinée qui semblait ne pas vouloir finir. Peu à peu ils se répandirent dans les rues, touchant au hasard certaines des personnes qu'ils croisaient. Celles-ci cessaient d'être, tout simplement.
Bientôt, la grande silhouette alla se réfugier sous une porte cochère et se laissa glisser, comme épuisée, contre un mur, et s'endormit accroupie. La vague ondoyante qu'il répandait s'évanouit et aussitôt, la petite foule qui l'avait suivi sembla sortir de l'apathie hallucinée par laquelle il les menait.
Tout semblait redevenu normal si on exceptait qu'une bande d'individus inconnus des services d'identité, un nouveau genre de clandestins, circulait maintenant dans une petite ville de province de l'état de Californie, que trois employés d'Holographic Journey Inc, un shérif et trois de ses hommes s'étaient volatilisés et qu'un grand type aux yeux luminescents venu d'on ne sait où était endormi sous un porche. En sommeil, pour le moment, car il avait besoin ou envie de se reposer. La jonction était faite, la brèche ouverte. Ce n'était que le début d'une nouvelle ère, d'un nouveau monde, d'un nouvel ordre: celui du Dévoreur de Temps. |
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